Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Carnet Bouddhiste

27 décembre 2020

Peace, Love and Happiness

Séance de la Sangha des Pommiers du 25 décembre 2020

 

Introduction à l’enseignement
par Véronique

 

Bonsoir Thay, bonsoir chère Sangha, bonsoir à vous tous qui nous rejoignez en cette soirée de Noël du 25 décembre 2020.

J’ai la grande joie de partager avec vous un enseignement de notre cher Maître Thich Nhat Hanh dont le sujet convient merveilleusement bien à cette période de Noël. C’est un enseignement publié dans la revue Mindfulness Bell de l’automne 2020, enseignement que Thay a offert au Village des Pruniers le 6 décembre 2009. Thay y fait référence à des éléments d’actualité qui sont derrière nous, mais qui nous permettent d’apercevoir certaines évolutions dans le monde depuis 2009.

Thay a intitulé son enseignement : Paix, Amour et Bonheur.

C’est exactement ce que nous souhaitons pour nous-mêmes, pour chacun d’entre nous ici rassemblés, pour nos proches, pour notre Communauté Bouddhiste, pour notre pays, pour l’Europe, pour le monde, pour l’univers. Et oui, pourquoi mettre des limites ? Plus on les partage, plus Paix, Amour et Bonheur grandissent………

Dans cet enseignement, vous verrez que ce que Thay nous dit est de nature à éclairer la morosité et l’angoisse ambiante ;  il nous parlera d’éveil collectif, il nous dit d’ailleurs que l’éveil n’est pas quelque chose de lointain  il nous rappelle aussi que nous faisons de notre mieux, il nous dit que l’amour et le bonheur sont possibles tout de suite, que le bonheur est simple …..

 

Peace, love and happiness.  

par Thich Nhat Hanh.

 Village des Pruniers 6 décembre 2009

 Texte publié dans le Mindfulness Bell de l’automne 2020

 

Traduction
par Véronique 

Chère Sangha, ce matin nous avons pratiqué la méditation assise et chantée pour envoyer notre énergie en soutien au Parlement des Religions du Monde à Melbourne en Australie et aussi pour soutenir la conférence de Copenhague sur le changement climatique. Nous sommes avec eux, à Melbourne et à Copenhague. Nous sommes avec eux, nous voulons les soutenir. Tous, nous essayons de faire naître un éveil collectif. Grâce à cet éveil collectif, nous vivrons de telle manière que tous ensemble nous serons capables de sauver la planète et de bâtir un avenir pour nos enfants et leurs enfants.

Au Village des Pruniers, nous sommes dans une retraite de trois mois. Il y a environ 250 monastiques et laïcs pratiquant ensemble pendant 90 jours. Nous pratiquons la méditation assise le matin et l’après-midi. Nous nous levons à cinq heures et nous pratiquons joyeusement ensemble comme une famille spirituelle. Nous écoutons des enseignements du Dharma, nous pratiquons la marche méditative , nous mangeons en pleine conscience, nous pratiquons la préparation des repas, le nettoyage, et toutes nos activités en pleine conscience.

Nous tenons à pratiquer de la sorte pour que chaque moment de notre journée puisse être un moment de paix, un moment nourrissant, et un moment heureux. Nous faisons de notre mieux. Avec notre pratique collective, nous avons une énergie puissante, et nous voulons l’offrir au Parlement des Religions du Monde. Nous voulons l’offrir à la conférence de Copenhague. Pratiquer pendant la retraite de trois mois est notre façon simple et modeste de contribuer à l’éveil collectif.

Nous avons besoin de nous éveiller nous-mêmes avant de pouvoir aider d’autres personnes à s’éveiller. C’est ce que nos amis du Parlement des Religions du Monde sont en train de faire. Merci d’être ici et de faire de votre mieux. Et vous à Copenhague, vous êtes venus avec beaucoup d’espoir. Nous voulons que vous sachiez que nous sommes tous derrière vous. Nous avons besoin de dirigeants qui puissent aider à sauver la planète.

En principe nous savons comment remplacer les combustibles que nous utilisons maintenant par des sources d’énergie renouvelable. Nous pouvons utiliser l’eau, l’air et le soleil pour remplacer l’essence et le charbon à 100% pour l’année 2030., si nous sommes assez forts et unis. Mais nous avons besoin de dirigeants, parce que on ne peut pas réaliser ces techniques sans transformer notre peur, notre colère et notre avidité – les trois sortes de poisons qui sont dans notre société et en chacun de nous.

Nous continuons à nous battre et à nous entretuer en Afghanistan, en Irak, et ailleurs parce que nous avons toujours beaucoup de peur, de violence et de colère en nous. Nous savons que nous devons tous encourager les technologies qui utilisent les énergies renouvelables comme l’eau et le soleil. Ces nouvelles technologies sont encore très chères et peu compétitives par rapport à l’essence et au charbon. Nous devrions subsidier les sociétés qui créent ces nouvelles sources d’énergie pour rendre leur prix plus compétitif. Nous devons taxer lourdement l’essence et le charbon pour décourager les gens d’utiliser ces combustibles.

Mais comment pouvons-nous avoir assez d’argent pour soutenir de nouvelles sources d’énergie ? Nous dépensons beaucoup d’argent pour fabriquer des armes, et les grandes puissances continuent à fabriquer des armes en grand nombre. Les industries d’armement aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en France sont des sources de revenus importantes pour ces puissances.

Pourquoi les gens des autres pays ont-ils besoin d’acheter des armes ?  Parce qu’ils ont peur. L’Iran essaie de devenir une puissance nucléaire ; la Corée du Nord veut la même chose, et le fondement de leur action est la peur. Ils veulent se protéger. Ceux parmi nous qui vendent des armes disent que nos armes sont très modernes et que si vous vous équipez de ces armes, vous êtes en sécurité. Ils veulent que nous achetions leurs armes, donc ils jouent sur notre peur. C’est pour ça que nous devons transformer notre peur et notre colère.

Les terroristes ont beaucoup de peur et de violence, mais les anti-terroristes aussi ont beaucoup de peur et de violence. C’est pourquoi une gouvernance politique ne suffit pas, il faut une gouvernance spirituelle. Et vous êtes là à Melbourne pour nous dire comment faire, comment reconnaître le poison de la violence, le poison de la colère, et le poison de la peur en nous, pour que nous puissions les transformer. Nous pouvons le faire en tant qu’individus et nos pouvons aussi le faire en tant que groupes.

L’année dernière, pendant la retraite d’hiver au Village des Pruniers, nous avions des centaines de personnes pratiquant ensemble. Nous nous asseyions ensemble, nous marchions ensemble, et nous pratiquions le regard profond pour voir s’il y avait un chemin spirituel qui pourrait nous tirer de cette situation difficile. Nous avons contemplé le thème de la spiritualité planétaire et de l’éthique planétaire. Nous voulions pratiquer le regard profond et échanger nos compréhensions sur la vision bouddhiste d’une éthique planétaire. En générant l’énergie de la fraternité, de la sororité, de l’amour, du bonheur, nous avons pu produire un texte sur les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience. Et ça, c’est le fondement de la pratique bouddhiste de la paix et du bonheur.

Après la retraite d’hiver de trois mois, nous avons eu la retraite francophone, où nous avons pratiqué de la même manière sur une éthique et une spiritualité planétaires. Après la retraite francophone, nous avons eu la retraite de 21 jours. De nombreux enseignants du Dharma sont venus d’environ 40 pays. Nous avons aussi pratiqué ensemble le regard profond pour produire une vision pour une spiritualité planétaire. Nous avons continué pendant la retraite d’été qui a duré un mois. A la fin de la retraite d’été, nous avons pu sortir la nouvelle version des Cinq Entraînements à la Pleine Conscience.

Les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience, pour nous bouddhistes, sont le genre de pratique spirituelle qui peut apporter le vrai bonheur : l’amour vrai qui peut protéger des vies, sauver la Terre, restaurer la communication et apporter la guérison à la planète et à chacun d’entre nous sur la Terre. Les Cinq Entraînements à la Pleine Conscience sont pour nous la vision bouddhiste pour une spiritualité planétaire. Nous sommes en train de travailler à la traduction de ce texte en langage non-bouddhiste pour que nous puissions le partager avec des amis qui pratiquent dans d’autres traditions.

Chers amis, dans la tradition bouddhiste, nous croyons que l’amour et le bonheur sont possibles tout de suite dans le moment présent. Un-e bon-ne pratiquant-e peut produire une sensation de paix et de bonheur quand il ou elle veut. Un-e bon-ne pratiquante-e peut reconnaître la souffrance et la peine en lui-même, et ensuite, les embrasser et les transformer. Un-e bon-ne pratiquant-e peut regarder profondément et reconnaître la peine et la souffrance chez une autre personne. Et, grâce à sa compassion et sa compréhension, il peut aider l’autre personne à faire de même – reconnaître sa souffrance, l’embrasser à ce moment et apprendre à produire un moment de paix et de bonheur.

Quand nous pratiquons la respiration en Pleine conscience,  nous ramenons notre esprit dans le corps, et nous devenons pleinement présents dans l’ici et le maintenant. Et quand nous sommes vraiment présents dans l’ici et le maintenant, nous pouvons aider notre corps à être en paix. Il peut y avoir des tensions et des douleurs dans notre corps, et la pratique de la respiration en pleine conscience enseignée par le Bouddha peut nous aider à apaiser ces tensions et ces douleurs.

 Si nous avons une émotion douloureuse en nous, nous ne voulons pas la supprimer. Nous voulons la reconnaître et l’embrasser, et l’énergie de la pleine conscience peut apporter un soulagement. Avec la pratique du regard profond, nous pouvons découvrir les racines de cette affliction et la transformer. Le Bouddha a dit qu’il était possible pour nous de vivre heureux dans le moment présent, même si nous avons encore de la souffrance, de la peine et des soucis. Si nous savons comment nous occuper de la peine, du chagrin, de la peur en nous, nous pouvons quand même être heureux.

 Chacun de nous est d’accord qu’il faudrait amener une dimension spirituelle dans nos vies quotidiennes. Sans cette dimension spirituelle, nous ne savons pas nous comment gérer notre bonheur et notre souffrance et aider les autres. Les enseignants spirituels ont le devoir d’être des exemples et d’aider les autres à faire comme eux.

 Le Bouddhisme parle d’éveil. Pour moi, un seul Bouddha n’est pas suffisant ; nous avons besoin de beaucoup de Bouddhas. Chacun de nous devrait devenir un Bouddha, c’est pourquoi nous utilisons le terme de « éveil collectif ».

 Éveil à quoi ? Quand nous inspirons et que nous amenons notre esprit à notre corps, quand nous sommes réellement présents -corps et esprit unifiés- il y a éveil. Nous savons que nous sommes vivants, nous sommes présents et la vie est là pour que nous vivions. C’est déjà une espèce d’éveil. Donc l’éveil n’est pas quelque chose de très lointain, mais il faut que nous ramenions notre esprit à notre corps et que nous soyions vraiment dans le moment présent.

Quand nous sommes dans le moment présent, nous reconnaissons qu’il y a beaucoup de merveilles en nous et autour de nous. Si vous savez comment entrer en contact avec toutes ces merveilles de la vie, vous êtes nourris et guéris dans l’instant. La paix et le bonheur sont possibles là tout de suite. Avec la pleine conscience nous nous rendons compte que nous avons déjà plus qu’assez de conditions pour être heureux. Nous avons plus de chance que tellement d’autres personnes. Et si nous reconnaissons les conditions de notre bonheur, nous pouvons être heureux là tout de suite. Et vous n’avez plus besoin de lutter ; vous n’avez pas besoin de courir vers l’avenir. Vous ne devez plus chercher le bonheur ailleurs parce que le bonheur est possible dans le moment présent. C’est l’enseignement du Bouddha : vivre heureux juste dans le moment présent.

 C’est une pratique qui peut aider beaucoup d’entre nous à réduire notre avidité, notre colère, notre peur, parce que si nous avons le bonheur, nous n’avons plus besoin de nous battre ou de nous faire du souci. Nous aurons plein de bonheur à partager. Grâce à l’éveil collectif, nous pouvons arrêter la destruction de notre société et de la Terre. Avec l’éveil collectif, nous pensons que nous n’avons pas besoin de plus de pouvoir pour être heureux, et que nous n’avons pas besoin non plus de plus de richesse ou de sexe. Nous sommes assez heureux et ne devons pas sacrifier notre temps à courir après ces objets du désir.

 C’est pourquoi, pour sauver notre planète, nous devons avoir une nouvelle approche du bonheur. Chacun de nous a sa propre idée du bonheur. A cause de cette idée et de cette vision, nous avons sacrifié du temps et nous avons couru avidement après des objets. Nous avons détruit notre corps et notre esprit dans une large mesure, c’est pourquoi il est crucial de développer une nouvelle vision du bonheur.

 Le Bouddha a dit que le bonheur est simple. Si vous revenez en vous dans le moment présent, vous réalisez que vous avez plus qu’assez de conditions pour être heureux ici et maintenant. Toutes les merveilles de la vie sont là en vous et autour de vous. C’est pourquoi au Village des Pruniers, nous récitons le cinquième mantra « Ce moment est déjà un moment de bonheur ». Avant la méditation assise nous récitons le mantra. Avant de partager le repas, nous partageons le mantra. Avant de marcher ensemble dans les champs ou dans le potager , nous pratiquons le mantra. Et le bonheur peut arriver instantanément. C’est si simple, c’est si facile. « Ce moment est un moment de bonheur.»

 Oui, nous avons beaucoup de chance. Nous sommes vivants et notre planète est magnifique. Nous devons vraiment être ici dans le moment présent et vivre ce moment profondément. Nous pouvons être nourris et guéris ici et maintenant. Nous devons relâcher cette avidité, cette colère et cette haine qui détruisent un grand nombre d’entre nous  et qui détruisent aussi de grandes parties du monde.

 

 

Publicité
Publicité
27 décembre 2020

La foi, base de la méditation ?

Séance des Pommiers du 25 décembre 2020

 

Anges de Noël

 

Noël 2020 :  les chrétiens fêtent la naissance de Jésus, cet événement tout-à-fait extraordinaire à plus d’un titre; en effet :

  • Jésus est présenté comme le fils de Dieu, son incarnation humaine
  • C’est une vierge qui enfante l’enfant
  • Les rois mages, qui se trouvaient alors en Afrique, ont immédiatement su qu’il venait au monde et c’est une étoile qui, en se déplaçant dans le ciel, les a guidés jusqu’en Palestine, afin qu’ils puissent apporter l’or, l’encens et la myrrhe à l’enfant Jésus
  • Les bergers locaux l’ont su, eux aussi, rejoignant aussitôt l’étable pour aller offrir leurs présents 
  • Jésus n’est pas né juste pour démontrer la puissance divine : il est venu sur Terre pour sauver les hommes, pour racheter leurs péchés

Il s’agit là d’un événement inouï, d’une histoire fantastique à laquelle ont adhéré et adhèrent des milliards d’humains (2,4), une nouvelle qui a généré un immense espoir, ce type d’espoir qui fait partie de la définition même de la foi, puisqu’il en fait tout l’enjeu.

Fêter Noël est donc aujourd’hui pour les Chrétiens une occasion de réaffirmer leur foi en la nature divine de Jésus, leur foi en leur capacité à devenir meilleurs, à mieux reconnaître leur fraternité/sororité afin de mériter le pardon, d’espérer une place dans le paradis. 

Et nous, que faisons-nous ce soir ?

Ne cherchons-nous pas, nous aussi, à travers nos pratiques, à devenir meilleurs, à améliorer notre sort, à nous rassurer sur notre destinée, ne sommes-nous pas en quête de quelque chose, ne serions-nous pas en train d’espérer ?

En y réfléchissant bien, ne serait-ce pas aussi la foi qui serait à la base de notre méditation ?  La foi en l’espèce humaine, la foi en un dieu ou en des bodhisattvas, la foi en la démocratie, la foi en plus de justice, la foi en un monde meilleur, plus inclusif, plus juste, plus propre, plus beau … ?  

Nous nous asseyons sur un coussin, en essayant de balayer notre corps avec la lampe de la pleine conscience, en restant silencieux et immobiles pendant 20 ou 30 minutes, parfois au prix d’un certain inconfort, en invoquant notre respiration et en revenant encore et encore sur l’objet de notre méditation.  N’est-ce pas un acte de foi que de revenir sans cesse sur ce processus qui nous est devenu si familier, dont la mise en œuvre est apparemment si simple et que pourtant nous ne sommes jamais certains de complètement réussir ?

 Je me souviens régulièrement de ces paroles d’une « grande instructrice » rencontrée sur les sentiers tibétains de mon périple bouddhiste.   Elle nous disait : « ta méditation t’a semblé bien ? détrompe-toi, elle était peut-être mauvaise ; elle t’a semblé mauvaise ? détrompe-toi, elle était peut-être très bien.  On ne te demande pas de juger ta méditation ; tout ce qu’on te demande est de méditer, méditer, et méditer encore.  Un jour, tu comprendras. »

Le bénéfice que nous attendons de la méditation peut être d’ordre physique seulement : relâcher des tensions musculaires, dompter les battements de notre cœur, réduire la pression artérielle, réduire des douleurs, atténuer des inflammations, etc …

Il peut être d’ordre psychologique ou psychique : Favoriser le bien-être mental, réguler notre humeur, contrôler nos émotions, développer notre concentration, réduire notre distraction, calmer notre agitation, gérer notre stress, qu’il soit professionnel  ou relationnel, …

Ces deux objectifs, le bien-être physique et le confort psychique, constituent probablement la quête essentielle de ceux qui pratiquent la méditation laïque, la MBSR, par exemple (MBSR = Mindful Based Stress Reduction).

Les pratiquants de la tradition des Pruniers ajoutent à ces objectifs un volet spirituel : celui qui consiste à vouloir développer l’amour véritable (metta), à rechercher et à atteindre l’Éveil, c’est-à-dire la connaissance, la vue profonde (prajna), à se libérer des liens de l’existence conditionnée, pour enfin réaliser qu’il n’y a ni naissance ni mort, ni non-naissance, ni non-mort.

La méditation, qui est peut-être une fin en soi dans les pratiques laïques, se décline alors sur deux registres dans la pratique spirituelle : śamatha et vipaśyanā

Thich Nhat Hanh nous dit, dans les 14 versets de la pratique de la méditation[1] : 

Tout comme l’oiseau a deux ailes
La méditation a śamatha et vipaśyanā
Telles les deux ailes qui battent à l’unisson,
Śamatha et vipaśyanā vont ensemble.

Śamatha consiste à s’arrêter,
Reconnaître, se mettre en contact,
Se nourrir, se guérir
S’apaiser et se concentrer

Vipaśyanā consiste à regarder profondément
Dans la nature des cinq skandhas
Afin de faire naître la vision profonde
Qui transforme toute souffrance
 

Śamatha permet d’unir le corps et l’esprit et de les ramener tous deux dans le calme et la paix pour rendre l’esprit plus léger et plus subtil, l’ouvrant ainsi à la perception pure et à l’expérience directe sans plus de filtre, de concepts, et d’idée préconçue et lui permettant du coup une vue non obscurcie.

 L’une des clés de śamatha est de contempler le corps dans le corps et la respiration dans la respiration.  Le corps et la respiration étant toujours présents et disponibles au plus près de nous, notre pratique est toujours possible, en tous lieux et à tout moment. 

Notre maître Thich Nhat Hanh souligne à de nombreuses reprise l’importance qu’il y a d’unir le corps et l’esprit. Il écrit, dans l’Énergie de la prière[2] : « Vous avez peut-être entendu parler de la prière du cœur, mais la prière du corps est tout aussi importante.  Lorsque les moines et les moniales bouddhistes ou chrétiens prient, ils s’agenouillent, s’inclinent et joignent les mains.  Pour prier, il est essentiel que le corps, la parole et l’esprit soient harmonieusement présents.  Pour que la prière soit authentique, il ne suffit pas d’en prononcer les paroles, il faut aussi que le corps et le mental restent concentrés.  C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle le bouddhisme et l’islam, aussi bien que le christianisme orthodoxe, incluent les prosternations dans la pratique de la prière.  La positon prosternée fait diminuer l’ego, ouvre le cœur et enracine. » 

L’une des clés de vipaśyanā, est, une fois śamatha bien établie, d’appliquer la métaphore du papillon.  En se posant sur la fleur, le papillon est d’une infinie légèreté, il n’exerce aucune prise sur la fleur, il se contente de l’effleurer, sans jamais d’insistance.  Dans notre méditation, restons légers, et comme le papillon, n’imposons aucune pression à quoi que ce soit, laissons-nous couler ou évaporer, sans plus de considération pour le mental ou les pensées que nous laisserons flotter à leur gré, en les observant comme un vieillard assis sur un banc, avec un sourire, regarderait jouer des petits enfants.

 

 X

 

 X                          X

 

Je vous invite maintenant à prendre une assise confortable sur une chaise ou sur le coussin.

Laissez tomber les épaules en y relâchant toute tension, ouvrez-bien largement la poitrine, pour ouvrir le cœur en vous rappelant que corps et esprit sont supposés se rejoindre et rester en harmonie.            

Placez votre tête dans le prolongement de la colonne, le sommet du crâne tiré par le ciel, mais le menton légèrement rentré.  La tête repose alors sans effort sur la colonne.

Fermez les yeux sans pression ou laissez-les mi-clos, détendez vos mâchoires, votre langue.

Déposez vos mains sur les genoux ou sur les cuisses, paumes vers le haut, les doigts légèrement recourbés comme s’ils voulaient retenir une poignée de sable .  Si vous préférez, vos mains peuvent reposer l’une sur l’autre, dans votre giron, paumes vers le haut. 

Vos jambes sont bien détendues car une petite tension maintenant risque de devenir gênante plus tard.

Observez ce corps qui respire par lui-même et ressentez l’air qui s’introduit par les narines, et, en même temps dilate votre abdomen.  C’est votre diaphragme qui s’abaisse, permettant à vos poumons de descendre et de se remplir en repoussant vos viscères vers le bas de votre bassin.  A l’expir  ressentez le diaphragme qui remonte, repoussant les poumons vers le haut ; ceux-ci expulsent doucement l’air chaud qui ressort par vos narines.  Observez la petite pause qui prend place à la fin de l’expir et qui précède juste l’inspir. Devenez conscient de cet instant fugace, semblable à celui de la vague qui, s’étant avancée le plus loin qu’elle pouvait sur le rivage s’apprête à retourner à la mer ; appréciez ce moment suspendu où tout bascule et tout, sans cesse, se renouvelle …

Maintenant que vous avez établi un contact intime avec votre respiration, observez-la plus attentivement et voyez comme elle est changeante, tantôt plus courte, tantôt plus longue, tantôt plus douce, tantôt plus présente.  On ne se lasse pas de l’observer, comme on observe le ruisseau qui coule et n’arrête pas de frémir.

Quand une pensée ou une image s’impose à vous, souriez-lui et montrez-lui que vous l’avez vue mais que vous ne la suivrez pas cette fois-ci ; dites-lui « bonjour pensée, … au revoir pensée, je ne te suivrai pas, cette fois », elle comprendra et s’éloignera.

Vous êtes ce papillon qui volète, qui se pose légèrement sur une fleur puis sur l’autre, comme une plume, sans pression.

Votre cœur et votre esprit sont grand ouverts, perméables, sans complexité, sans but.

Vous êtes bien ; dans le moment présent, qui est calme et merveilleux. 

 

Pierre, Esprit lumineux du cœur
25/12/2020



[1] Chants du cœur, Sully, p. 260 et ss

[2] Ed. Le Courrier du Livre, p.71 et suivantes

24 décembre 2020

La Patience : "être patient" ne veut pas dire "ne rien faire"

Séance POMMIERS du 11 décembre 2020

 

Le thème de cette soirée, « La patience », m’a été inspiré par une réflexion de Constance KASSOR, Professeur en Sciences religieuses à l’Université Lawrence dans le Wisconsin. Elle a écrit un article sur ce sujet dans le Lion’s Roar du 27 novembre 2020. 

 

La réflexion qui suit s’appuie dur de larges extraits de l’article de Constance KASSOR, traduits très librement et enrichis de passages du « Soutra en 42 sections », ainsi que par des informations historiques sur Shantideva[1] et quelques mises au point du Maître Zen Thich Nhat Hanh.

 

 

Constance KASSOR nous informe de ce que, après qu’ait été annoncée la victoire de Joe BIDEN à la dernière élection présidentielle américaine, elle s’est vue débordée d’appels, sur ses réseaux sociaux.  Ces appels demandaient aux électeurs de BIDEN de se montrer patients avec les partisans de TRUMP et de pardonner aux membres de son administration les torts qu'ils ont causés tout au long de ces quatre dernières années. Elle nous confie : « Ces appels à la patience suggéraient implicitement que la tolérance tranquille est moralement bien supérieure à l'attitude «Fuck your Feelings» (« Rien à foutre de ce que vous pensez ») que l'administration TRUMP -et de nombreux Américains - ont ouvertement adoptée ces dernières années.

 

« Nous, bouddhistes », ajoute t’elle, « aimons parler de patience. La patience, kṣānti en sanscrit, n’est-elle d’ailleurs pas l'une des six paramita (les six perfections) que les bouddhistes sont censés cultiver[2] ? » 

 

Remarquons d’abord que, dans le contexte, « Être patient, » signifie aussi « savoir endurer ».

 

Mais, attention, endurer ne veut pas dire se laisser insulter, se laisser humilier.

 

Le Bouddha lui-même nous l’explique, dans le Sutra en 42 sections (à la section 7 pour être précis). 

 

Je vous raconte l’histoire :

 

Le Bouddha marchant, un jour, rencontra quelqu'un qui, pour on ne sait quelle raison, n'était pas du tout content du Bouddha ; l’homme commença immédiatement à le traiter de tous les noms d’oiseaux. Ce genre de choses se produisait souvent, à l’époque car, de son vivant, le Bouddha n'était pas toujours populaire. Beaucoup de gens n'appréciaient pas le fait qu'il semblait encourager les gens à quitter leur famille et à s’intéresser au dharma plutôt qu'à gagner de l'argent.

Donc l'homme se tint là un moment, injuriant le Bouddha avec toutes les insultes de son vocabulaire. Mais le Bouddha ne dit rien, attendant simplement que l'homme s'arrête de parler. L'homme s'arrêta finalement, à bout de souffle. Le Bouddha lui demanda alors calmement :

« Est-ce tout ? »

Plutôt décontenancé, l'homme dit :

« Oui, c'est tout. »

Le Bouddha dit alors :

«  Bien, laisse-moi te poser une question maintenant. Suppose qu'un jour, un ami t'apporte un cadeau, mais que tu ne veuilles pas l'accepter. Si tu ne l'acceptes pas, à qui appartient-il ? »

L'homme répondit :

« Eh bien, si je ne veux pas l'accepter, il appartient à la personne qui essaye de me le donner. »

Le Bouddha dit donc :

« Eh bien tu as essayé de me faire un cadeau de tes insultes, mais je ne l'accepte pas. Prends-le, il t'appartient. »

 

Santideva va nous livrer un éclairage complémentaire.

 

Santideva était un Prince indien du 8ème siècle, qui, comme le Bouddha Gautama, renonça au pouvoir en refusant de devenir Roi à la mort de son père.

 

Il devint moine au Monastère de Nalanda, le plus important monastère de l’Inde.

 

On lui doit le très célèbre ouvrage « Bodhicaryavattara ».  titre qu’on a traduit en français par « La voie du Bodhisattva » ou « La Marche vers l’Eveil ». C’est bien le livre le plus incroyable, le plus époustouflant, qu’il m’ait été donné de lire dans la littérature bouddhiste.

 

Pourtant, au monastère de Nalanda, Santideva n’avait pas bonne presse : il y était extrêmement discret et il était même considéré comme un bon-à-rien surnommé « Bhusuku », littéralement celui qui ne fait que manger, dormir et faire ses besoins.

La légende de sa récitation du Bodhicaryāvatāra est dès lors surprenante.

Il était de coutume à l’époque que les moines récitent devant le roi en exercice[3] des sutras du Bouddha. Quand ce fut le tour de « Bhusuku », tout le monde pensait qu'il en serait incapable et qu'il serait chassé du monastère. Shantideva aurait prié la veille toute la nuit Manjusri, le bodhisattva de la sagesse, en récitant son mantra. Manjusri lui apparut en personne durant la nuit. Le lendemain, le roi lui demanda de réciter un sutra. Il répondit à la surprise générale : « dois-je exposer un sutra déjà connu ou bien un qui n'ait pas encore été révélé ? ». Toute l'assemblée s'étant mise à rire, y compris le roi, ce dernier lui demanda un nouveau sutra. Shantideva se mit alors à réciter tout le Bodhicaryāvatāra. Quand il en arriva au chapitre IX qui porte sur la philosophie Madhyamaka, au moment précis où il dit : « Quand ni la réalité ni la non-réalité ne se présentent plus à l'esprit... », il s'éleva dans le ciel en présence de Manjusri. Alors que toute l'université avait réalisé qu'il était le plus grand des maîtres, Shantideva refusa de revenir à Nalanda mais indiqua où il avait mis la version écrite de l'œuvre. C’est à ce moment là qu’il reçut le nom de Shantideva, qui signifie « Dieu de la paix ».

Santideva est probablement le Maître, qui, le mieux, a incarné la vertu de la patience.  On en parle souvent comme de celui qui a présenté la patience comme une sorte d’acceptation passive du mal, complètement dénuée de colère.

 

Mais, si nous appliquons les enseignements de Shantideva à nos propres vies, nous pouvons voir que la patience n’est pas nécessairement passive. En fait, Constance Kassor nous rappelle que, pour que la patience soit vraiment une vertu, il nous faut, en même temps qu’on la pratique, prendre un engagement actif envers le monde.

 

Shantideva illustre cela au chapitre VI de La Voie du Bodhisattva, quand il explique :

 

Imaginez un scénario dans lequel une personne haineuse vous bat avec un bâton, vous causant une douleur physique intense

C'est une expérience douloureuse mais cela ne justifie pas de se laisser emporter par la rage et de se fâcher contre la personne qui tient le bâton.

Au lieu de cela essayez de comprendre ce qui est en train de se passer : tout ce qui arrive est simplement la rencontre de deux choses. L'une est le bâton et l'autre votre corps. Et l'expérience de la douleur est la conséquence de ces deux facteurs qui se rencontrent : bâton et corps.

 

Maintenant, demande Shantideva, qui est responsable de cette rencontre ? Il est vrai que l'autre personne a levé le bâton contre vous, elle est donc en partie responsable. Mais c’est vous qui avez apporté le corps, et d'où est venu ce corps ? Il est imprégné de nos énergies d’habitude, il est conditionné par nos expériences passées, il est le dépositaire des graines que nous ont transmis nos ancêtres.

 

Celui qui a apporté le bâton, et celui qui a apporté le corps ont donc une responsabilité partagée. Pourquoi alors devriez-vous vous mettre en colère et reprocher à l’autre personne d’avoir apporté le bâton, et pas contre vous qui avez apporté le corps ?

 

Constance Kassor explique quant à elle : « Tout comme le bâton qui meurtrit votre corps est sous le contrôle de la personne qui le manie, cette personne est elle-même sous le contrôle de sa haine, qui a été produite par ses formations mentales, par un certain nombre de causes et conditions. Par conséquent, vous ne devriez pas vraiment vous fâcher contre la personne qui vous a battu(e), car cette personne n’est elle-même rien de plus que le produit d’une situation.

 

Certains en concluent que les «bons bouddhistes» ne devraient pas se mettre en colère. Ils soutiennent que nous devrions nous entraîner à cultiver la patience et à endurer tranquillement les situations difficiles, quelles qu’elles soient. Constance KASSOR pense qu’une telle interprétation de La Voie du Bodhisattva ferait fi du principe de l’interdépendance, cher au Mahāyāna, et ne prendrait pas en compte la souffrance qui est provoquée par des causes systémiques plus larges.

 

Shantideva raconte qu’avoir été frappé par un bâton n’était finalement que le fruit de sa position privilégiée dans la société : il était de sexe masculin, avait reçu une bonne instruction, et était, de surcroît, monastique à Nālandā, une grande institution académique pleine de ressources matérielles. Même si l'histoire de sa vie suggère qu'il était impopulaire parmi ses pairs et qu'il était raillé par ses camarades monastiques, Shantideva n’a pas eu, en tant que membre privilégié de la société, à lutter contre des formes systémiques d'oppression. Le préjudice qu'il a subi et qu’il a décrit dans La Voie du Bodhisattva est, en quelque sorte, un préjudice interpersonnel bénin. Mais rien ne nous empêche d’extrapoler cet exemple et d’appliquer sa compréhension de la patience à des formes de préjudice plus graves et plus systémiques.

 

Shantideva ne prétendrait pas, selon Constance KASSOR, que nous ne devrions jamais nous mettre en colère contre ceux qui causent du tort. Ce qu'il soulignerait, par contre, c'est la nécessité de reconnaître la nature profondément interconnectée du monde. La patience ne serait donc pas l'absence de colère ou l'acceptation passive d’un préjudice; la patience devrait être comprise ici comme la capacité à prendre le recul nécessaire pour voir clairement une situation, et être capable d’y réagir adéquatement.

 

Dans cet esprit, nous pourrions considérer l'exemple de Shantideva et de son agresseur comme une première étape : lorsque nous subissons un préjudice, nous devrions pouvoir  nous arrêter et voir clairement les conditions et les structures qui en sont à l’origine et l’ont rendu possible plutôt que de réagir avec une rage aveugle contre la personne ou la situation qui nous inflige cette souffrance.

 

La violence policière contre les Noirs aux États-Unis est le produit de structures racistes. Le meurtre de personnes transgenre est le produit de structures transphobes.  La montée en flèche des hospitalisations et des décès dus au COVID-19 est due aux structures capitalistes et politiques.

 

Je ne pense pas,  dit Constance KASSOR, que Shantideva essaie de nous suggérer que nous ne devrions pas être en colère contre la police raciste, contre des meurtriers transphobes, ou contre des politiciens incompétents. Son propos est plutôt de nous faire comprendre que se fâcher uniquement contre une personne ou une situation spécifique ne sert à rien sur le long terme.

 

Il n’y a rien de noble à tolérer passivement la souffrance si on n’œuvre pas activement, en même temps, à l’éradication des causes qui permettent à cette souffrance d’apparaître. Le fait de supporter passivement des situations douloureuses au nom de la patience n'est ni un acte de compassion ni un acte vertueux. Les détenteurs de bâton haineux du monde entier continueront d’infliger des dommages et de perpétuer des souffrances tant que nous n’aurons pas changé les structures qui leur permettent d’agir et de causer ce préjudice et cette souffrance.

 

Alors, si la patience n’est pas rester passif, comment pouvons-nous pratiquer la patience dans nos propres vies ? s’interroge Constance KASSOR.  Nous pouvons commencer par essayer de comprendre pourquoi des systèmes oppressifs interconnectés existent dans notre société, et en quoi nous contribuons au maintien de ces systèmes. Une fois que nous sommes capables de pratiquer la patience et de voir ces choses plus clairement, nous pouvons commencer à démanteler ces systèmes.

 

Nous avons chacun notre manière d’agir. Comme Shantideva, nous sommes nombreux à avoir nos angles morts et nos zones de privilège. Et Constance KASSOR d’ajouter : « En tant que personne blanche, il est de ma responsabilité d'apprendre à comprendre les causes systémiques du racisme et les façons dont je contribue à les perpétuer. Seulement ensuite, je pourrai travailler et aider à en défaire les structures. Par contre, en tant que personne « queer » (altersexuelle), même si je peux facilement voir - et souvent expérimenter- certains aspects homophobes de notre société, j'ai moins de ressources à ma disposition pour œuvrer à changer les choses, et je dois donc compter sur mes compagnons de voyage qui sont déjà sur la voie du bodhisattva pour m’aider à défaire ces structures. Dans les deux cas, le racisme et l’homophobie, assister passivement ou subir soi-même un préjudice n'est d’aucune utilité; ce qu’il faut privilégier, c’est l’action collective. Avec de la patience, conclut Constance KASSOR, nous pouvons travailler tous ensemble, en communauté, à démanteler les structures oppressives et à rendre plus improbables les situations qui permettent à certaines personnes de faire du mal à d’autres.

 

Avec un tel texte, on se dit : « Waww, ça c’est vraiment le Bouddhisme engagé » !

 

Sans doute, mais restons prudents, cependant. 

 

Personnellement, il y a une chose qui m’a dérangé dans les propos de Constance KASSOR : c’est quand elle suggère que Santideva aurait pu écrire, dans « La voie du Boddhisattva » qu’il y avait deux types de colère : une bonne, celle qu’on exerce contre les structures et une mauvaise, celle qu’on dirige contre les individus.

 

J’ai donc été relire le chapitre VI de Santideva, celui consacré à la patience pour voir ce que Santideva avait vraiment écrit à ce propos. Les premières strophes sur lesquelles je suis tombé sont édifiantes (je vous lis) :

 

 

« Il suffit d’un accès de colère pour détruire

La générosité, les offrandes aux bien-allés

Et toutes les pratiques méritoires

Accumulées au cours de mille kalpas[4]

 

Ou

 

« Comme il n’est pire faute que la colère,

Ni meilleure ascèse que la patience,

Appliquons-nous, de toutes les façons

Possibles, à cultiver la patience »

 

Ou encore

 

« Cet ennemi, la colère,

Est l’auteur de toutes les souffrances.

Celui qui s’attache à vaincre la colère

Sera heureux dans cette vie et les suivantes.

 

Etc …

 

Il est clair que Shantideva récuse toute forme de colère, y compris la colère contre les causes qui ne seraient PAS des personnes individuelles.

 

Ma curiosité ayant été aiguisée par le trouble auquel m’a amené ce constat, j’ai voulu vérifier de ce que notre maître, Thich Nhat Hanh, disait de la colère et de la patience.

 

Pour être bref, je ne citerai de lui que deux extraits :

 

Le premier, à propos de la Colère, tiré de son ouvrage « Combattre[5] » où il cite un brahmane demandant au Bouddha : « Maître, y-a-t-il quoi que ce soit que vous accepteriez de tuer ? » Le bouddha lui aurait répondu : « Oui, la colère, (car) tuer la colère permet de supporter la souffrance et génère la paix et le bonheur. »

 

Le second extrait n’est autre que la définition par Thich Nhat Hanh de « kshanti « , dont il dit à la page 252 de son livre « Le Cœur des Enseignements du Bouddha (Ed. Pocket) : « Kshanti est souvent traduit par « patience » ou « endurance » mais, à mon sens, « inclusivité » correspondrait davantage à l’enseignement du Bouddha. (…) L’inclusivité n’a pas pour objet d’éliminer notre douleur.  Nous devons recevoir cette douleur, l’embrasser et la transformer.  La seule façon d’y parvenir est d’avoir un grand cœur (…) »

« Si vous versez une poignée de sel dans un petit bol d’eau, l’eau sera imbuvable.  Mais si vous versez la même quantité de sel dans un fleuve, les gens pourront continuer de boire son eau. »[6]

 

Cet enseignement est très, très profond.

 

En dehors de la réflexion que nous a offerte Constance KASSOR sur la patience et sur les vertus du Bouddhisme engagé, la soirée nous a amené à nous rappeler deux choses :

 

  1. Nous ne devons pas croire tout ce qu’on nous dit, même si cela nous est dit par une personne très érudite, fut elle Professeur en Sciences des religions ; lorsque nous doutons, nous ne devons pas hésiter à chercher la vérité par nous-même, en écoutant notre cœur et en étudiant plus profondément le dharma.
  2. Nous pouvons voir combien il est important de choisir un bon maître auquel nous pouvons nous référer avec confiance, parce qu’il reste au plus près des paroles d’êtres véritablement éveillés, et qu’il ne leur substitue pas des interprétations ou des exégèses soi-disant plus modernes ou plus sociétalement acceptables ou à la mode.  Un tel maître est tellement précieux.  Car il éclaire notre chemin, nous évite de trébucher, et nous fait gagner un temps précieux.

 

Pierre, Esprit lumineux du coeur



[1] Cf Wikipedia

[2] Le Sūtra du Lotus (Mahayana) mentionne six perfections :

1.     Dāna pāramitā : générosité ; fait de donner, de concilier, d’aimer sans condition, d’avoir les mains, l’esprit et le cœur ouvert.

2.     Śīla pāramitā : vertu, éthique, honnêteté, intégrité (paroles, actes et mode de vie juste) et entraide.

3.     kṣānti pāramitā : patience, tolérance, indulgence.

4.     Vīrya pāramitā : énergie, effort, courage, enthousiasme, endurance.

5.     Dhyāna pāramitā : concentration, méditation, vigilance.

6.    Prajñā pāramitā : sagesse, sapience, discernement par le biais d’une vision et d’une intention juste, sagacité, bonne connaissance du dharma.

[3] Le Roi du Bihar, à l’époque Devapala, de la dynastie des Pala.

[4] Kalpa : un kalpa est un jour de la vie de Brahma, soit 4,32 milliard de nos années

[5] Page 22

[6] Le Cœur des Enseignements du Bouddha, Pocket, page 252

 

24 décembre 2020

Making Peace with ourselves (Extrait traduit en FR) - TNH 25-11-2001

Enseignement de Thay pour la séance des Pommiers du 17-07-2020 : 

LE TERRITOIRE INTERIEUR

 

Donc vous voyez que le territoire de notre personne est très vaste. Et le fait est que si nous ne savons pas comment amener la paix et l’ordre et le bien-être dans notre territoire, nous ne pouvons pas aider un ami, un frère, une sœur, à le faire.

Et c’est pourquoi pour restaurer la paix, la première chose à faire, dans notre pratique, sera de ramener l’ordre et le bien-être dans notre propre territoire. Sans cette pratique, la paix à l’extérieur ne sera pas possible. L’extérieur c’est aussi un territoire. Et si le territoire à l’intérieur est occupé, nous n’en aurons plus la souveraineté, cela devient le grand désordre, et alors, cela conduit à une situation de guerre à l’extérieur.

Le territoire extérieur est juste une projection du territoire intérieur.

Parce que le pays dans lequel nous vivons est une création collective de notre conscience, de notre être intérieur. Supposons que nous soyons une centaine de personnes, qui sont paisibles, capables de sourire et de s’aimer les unes les autres ; alors le pays dans lequel nous vivons trouvera la paix. Le Royaume de Dieu intérieur détermine le Royaume de Dieu extérieur.

Donc, le paradis est une manifestation collective et l’enfer est aussi une manifestation collective ; ils dépendent de l’intérieur.

Donc, à l’origine, c’est nous qui sommes le roi/la reine qui dirige notre territoire. Mais nous ne sommes pas un roi/une reine très responsable, c’est pourquoi nous avons abandonné notre territoire, nous avons perdu la souveraineté sur notre territoire. Nous avons permis à la guerre, à la violence, aux conflits de prendre la place, notre territoire est vraiment occupé.

C’est pourquoi c’est vraiment important de rentrer à la maison et de récupérer notre territoire. Et vous pouvez compter sur le soutien de votre sangha pour rentrer à la maison. Si vous êtes seul à la maison, vous pourriez ne pas être assez fort pour restaurer, pour récupérer votre souveraineté.

Rentrer chez nous comment ? Rentrer chez nous grâce à l’énergie de la pleine conscience.J’inspire, je sais que j’inspire ; j’expire, je sais que j’expire. Vous commencez un peu timidement, vous essayez de rentrer en vous-même ; vous hésitez un petit peu, mais vous voulez revenir en vous-même ; vous êtes un peu timide, parce que votre territoire vous est devenu quelque chose d’étranger ; c’est pourquoi vous essayez d’inspirer en pleine conscience, d’expirer en pleine conscience ; mais votre inspiration fait déjà partie de votre territoire. Vous devenez vraiment conscient de votre inspiration et vous devenez conscient de votre expiration. Et pendant que vous inspirez, vous ne faites attention à rien d’autre, vous ne faites qu’embrasser votre inspiration et vous devenez pleinement conscient que ceci est votre inspiration et que ceci est votre expiration, et de juste respirer comme ça pendant une demi-minute vous voyez la situation devenir différente. Votre inspiration est devenue légèrement plus profonde, votre expiration est devenue un peu plus longue et il y a un peu plus de paix dans votre inspiration et dans votre expiration. Et quand la qualité de votre inspiration et de votre expiration a augmenté, il y a plus d’harmonie, plus de paix dans votre respiration et vous pouvez entrer dans votre corps.

Et envoyer à votre corps un peu de la paix et de l’harmonie que vous avez déjà créés avec votre inspiration et votre expiration. Ça c’est la pratique.

Quand vous pratiquez la marche méditative, vous fabriquez, vous créez un peu d’harmonie et de paix avec vos pas.  Quand vous pratiquez la respiration en pleine conscience, vous générez un peu de cette énergie de paix et de bien-être dans votre inspiration et votre expiration. En utilisant cette quantité de paix et de bien-être que vous avez acquise par la pratique de la respiration en pleine conscience, et de la marche en pleine conscience, vous la déversez dans votre corps, vous l’offrez à votre corps ; le fait est que si vous êtes en position assise ou en position couchée et que vous continuez à respirer en pleine conscience, la paix et le bien-être de votre respiration envahit votre corps. Et votre corps commence à ressentir la paix.

Parce que l’énergie de la pleine conscience va commencer à calmer et à reconnaître chaque partie de votre corps.

Mon chéri, mon chéri, je t’ai abandonné, je t’ai laissé tomber pendant trop longtemps et je suis de retour ; je suis désolé, mais finalement je suis revenu ; donc avec votre inspiration et votre expiration en pleine conscience, vous embrassez votre corps tout entier, vous en embrassez chaque partie. En inspirant, je suis conscient de mon cœur, en expirant je souris à mon cœur. Et restez avec votre cœur une ou deux minutes ; c’est peut-être la première fois que vous revenez dans votre cœur et que vous l’embrassez tendrement avec l’énergie de la pleine conscience. Dans le passé vous n’avez pas montré votre empathie, votre amour, votre sollicitude à votre cœur. Vous fumez, vous buvez de l’alcool, vous vous faites trop de souci, vous n’avez pas été très gentil avec votre cœur. Maintenant vous êtes revenus à votre cœur avec votre présence entière, vous l’embrassez tendrement, vous lui souriez, vous lui dites que vous prendrez soin de lui, vous ne lui ferez plus vivre des moments durs comme par le passé. C’est la pratique de l’amour et de la paix ; si vous ne réussissez pas avec votre corps et vos émotions, comment voulez-vous réussir à amener la paix dans la société ou à votre famille ?

 

C

 

En revenant à notre territoire et en en prenant soin, nous restaurons la paix, c’est notre pratique. Mais notre société est organisée de telle manière qu’elle nous encourage à faire le contraire.

La télévision vous fait vous enfuir de vous-même ; vous vous réfugiez dans les magazines, la musique, vous vous fuyez vous-même. Chaque fois que vous avez dix ou quinze minutes devant vous, et que vous n’avez rien de spécial à faire, vous cherchez à faire quelque chose, allumer la télévision, prendre un magazine, écouter de la musique, vous ne voulez pas vraiment revenir à vous, vous avez peur. Parce que vous savez que, en revenant en vous-même, vous allez y trouver la guerre ; il y a beaucoup de souffrance, de chagrin, de peur, de désespoir ; vous ne voulez pas revenir à votre royaume, vous vous êtes enfuis de votre royaume, et la pratique bouddhiste vous aide à revenir à votre royaume sans peur. Si vous savez comment vous armer avec l’énergie de la pleine conscience, si vous savez comment utiliser l’énergie collective de la pleine conscience de votre sangha, alors vous pouvez rentrer à la maison, chez vous sans peur. Et c’est pourquoi la pratique bouddhiste de la méditation a besoin de la sangha. Tout seul vous pouvez y arriver, mais c’est très difficile. Peut-être parce que l’énergie de la pleine conscience que vous pouvez générer est encore trop faible pour que vous puissiez rentrer chez vous et accueillir ; vous pouvez être débordé par l’énergie de la souffrance et du désespoir en vous. C’est pourquoi, avec cette quantité d’énergie de pleine conscience et avec l’énergie de pleine conscience que vous offre la sangha, vous serez capable de rentrer chez vous et de faire la paix avec votre corps et vos émotions, en apprenant à les embrasser. Embrassez votre corps, embrassez vos émotions, et vos perceptions. Je suis désolé, je vous ai négligés, maintenant, je suis de retour, je prendrai bien soin de vous.

Rentrez dans votre royaume ; le territoire est vaste, et le Bouddha nous offre beaucoup de méthodes afin de restaurer la paix, le bien-être, dans notre royaume des cinq éléments, des cinq agrégats, des cinq skandas.

 

Traduction et présentation : Pierre et Véro

 

 

24 décembre 2020

Sanghas virtuelles, sanghas présentielles

Réflexion en introduction de la séance du 17-07-2020

 

Saviez-vous qu’un « monastère online », et donc une Sangha virtuelle était, quelque part, le rêve de Thich Nhat Hanh ? C’est ce que j’ai découvert récemment en parcourant la version anglophone du site des Pruniers, ainsi qu’une page du FaceBook de Thay (voir ci-après) .

 

Sans titre 

Grâce aux circonstances, son rêve est peut-être en train de devenir réalité.

 

Et, en même temps, je sais que plusieurs d’entre nous éprouvent certaines difficultés à s’accommoder des pratiques online.

 

Les uns voient dans la « sangha online » une sorte de dépersonnalisation, de dématérialisation : les réunions en présentiel leur manquent cruellement, le fait de ne plus pouvoir s’embrasser, se toucher, sentir en quelque sorte le rayonnement de chacun au travers de sa présence et de la chaleur humaine qu’il dégage crée en eux un vide, un mal-être.

 

D’autres sont plutôt rebutés par la technologie, ils ont l’impression de manquer d’aise et de réflexes adaptés face aux solutions et aux logiques informatiques ; ils éprouvent une réticence à s’exprimer au travers de clics de souris.  Quand ce n’est pas tout simplement leur aversion à encore augmenter leur temps d’écran, leur crainte d’encore céder un peu plus de terrain à la domination des ondes électromagnétiques, ou leur refus de succomber encore un peu plus à l’irradiation des écrans.

 

Mais, ce sont parfois aussi des considérations sociales ou relationnelles  qui les découragent : comment, en restant physiquement présent dans sa maison/son appartement, se déconnecter voire se « soustraire » pendant 1 à 2 heures de sa bulle familiale (compagn.e.on, enfants, …) sans créer de tensions  et sans que les proches se sentent tout d’un coup abandonnés ?  A l’heure où les protagonistes de la sangha online considèrent la solution IT comme « soft », souple, légère et peu encombrante,  certains de nos frères/soeurs la voient plutôt comme un ogre intrusif et exclusif qui entre dans leur cocon pour les accaparer et monopoliser leur pleine attention en leur rajoutant une « brouette de stress » à une vie déjà tendue comme un fil.

 

Comment pourrait-on ne pas les entendre, ne pas les comprendre ?

 

Après tout, nous comprenons bien aussi les membres de notre sangha qui, empêché(e)s ou même immobilisé(e)s par les aléas de la vie, la maladie -la leur ou celle d’un proche sur lequel ils veillent, ne peuvent pas nous rejoindre physiquement, se rapprocher de leurs frères et sœurs et partager ou échanger avec eux aussi régulièrement et aussi souvent qu’ils le souhaiteraient. 

 

Nous comprenons bien l’isolement que ressentent ces autres personnes qui, ne se sentant plus en mesure d’affronter la circulation, les difficultés de stationnement, la complexité, l’irrégularité ou l’indisponibilité des transports en commun, la pollution urbaine ou le caractère stressant des villes, renoncent, occasionnellement ou systématiquement, à se déplacer pour nous rejoindre en soirée. 

 

Nous pouvons comprendre aussi que plusieurs membres puissent parfois être freinés par l’impact que peut avoir une réunion en présentiel sur leurs finances ou sur leur emploi du temps  (il faut parfois être parti de chez soi pendant  4 ou 5 heures pour participer à une rencontre de 2 heures).

 

Et que dire à ceux qui pensent à notre environnement, à la pollution de notre planète, celle que créent les transports, le chauffage des locaux en hiver ?  Doivent-ils accepter ces nuisances de préférence à celles que génèrent les champs électromagnétiques ?

 

Personnellement, j’ai l’impression qu’il ne faut pas négliger l’opportunité et la chance extraordinaires qui nous sont aujourd’hui offertes par des réunions en sangha virtuelle.

 

Notre Maître nous parle souvent de nos ancêtres, génétiques, culturels ou spirituels.

 

Il nous invite à nous rattacher à eux, qu’il soient proches ou lointains, entendez qu’il s’agisse des parents qui nous ont enfanté ou qu’il s’agisse des poissons et des dinosaures dont nous ne sommes finalement que des descendants évolués, ou même qu’il s’agisse des plantes, des champignons, des bactéries, des virus, des minéraux … et autres poussières d’étoiles dont nous sommes finalement tous issus et constitués.

 

Notre sangha virtuelle n’est-elle pas une pratique de premier choix pour exercer nos capacités à transcender la forme et la matière ? Le Bouddha a bien expliqué à son disciple Anuruddha (cf Sur les traces de Siddharta, chapitre 69) que nous n’étions pas que nos agrégats et Thay nous a rappelé que les sanghas n’était pas constituées que des moines, des nonnes, des hommes et des femmes : la sangha, selon Thay inclut aussi plein d’éléments non humains comme l’eau, l’air, les oiseaux et il cite même le Saddharmapundarika Suttra pour nous rappeler que, à l’instar de la feuille, du dahlia, ou du plus vulgaire caillou, c’est le cosmos tout entier qui nous enseigne les quatre Etablissements à la Pleine conscience, le Noble Chemin Octuple, etc …

 

Alors, pourquoi pas le silicium, les puces, les souris, … je veux dire l’ordinateur ?

 

Thay ne nous a-t-il pas offert ce gâtha :

 

En allumant l’ordinateur,

Mon esprit touche ma conscience du tréfonds.

Je suis déterminé à transformer mes énergies d’habitude

Afin que l’amour et la compréhension puissent grandir

 

A certains moments, j’ai vraiment ressenti que la sangha virtuelle élargissait tout d’un coup notre horizon, supprimait tous les obstacles, faisait tomber toutes les barrières, expansait au-delà de toutes limites « notre royaume » :  les sœurs et les frères qui nous rejoignent dans nos réunions virtuelles peuvent être surprenants et nous arriver aussi bien de lieux proches que de lieux très éloignés (des milliers de kilomètres, parfois).  Si l’on y fait attention, ils réunissent cultures, couleurs, pays, continents, océans.  C’est un moyen d’ouverture incroyable ! Certes, ce n’est pas encore le cosmos, mais quand même, si on compte avec l’ordinateur, avec l’élément «  sable » (silicium) qui l’anime, avec les ondes qui vibrent, sans oublier les voix claires de nos frères et sœurs, leurs visages bien présents, avec leurs larmes et leur sourire, n’est-ce pas un véritable miracle, une preuve irréfutable de l’inter-être ?

 

Notre communauté internationale se remplit de sens quand nous jouons le jeu et quand nous nous fondons et nous investissons dans cette expérience.

 

Dans les circonstances actuelles, dans la pandémie, la sangha virtuelle nous accueille en toute sécurité, en toute fraternité/sororité.

 

Personnellement, quand je suis réuni virtuellement avec vous, il me vient rarement à l’idée que nous ne sommes pas vraiment là, vraiment ensemble, tant le champ d’énergie qui se dégage de notre groupe est chaleureux, riche, authentique et même tangible.

 

En fait qu’est-ce qu’une sangha ? Quels en sont les attributs fondateurs ?  Qu’est-elle censée apporter aux uns et aux autres ?  Thay a dit « L’essence d’une sangha, c’est l’attention, la compréhension, l’acceptation, l’harmonie et l’amour.  Quand vous ne voyez pas ces éléments dans une sangha, ce n’est pas une vraie sangha.  Mais s’ils sont présents dans une communauté, vous savez alors que vous avez la chance et le bonheur de rencontrer une vraie sangha » (Thich Nhat Hanh à Lion’s Roar, le 7/7/2017).

 

Et même lorsque Thay ajoute « Une sangha est plus qu’une communauté, c’est une pratique spirituelle », on ne voit pas directement l’élément irremplaçable qu’apporterait la « sangha présentielle » et que n’apporterait pas la « sangha virtuelle ».

 

Je vous invite à réfléchir par vous-même à cette question, pour voir profondément ce qui, dans l’une ou l’autre forme de sangha touche vraiment notre personne, nos agrégats (forme, sensations, perceptions, formations mentales, conscience-connaissance).  Peut-être trouverons-nous alors que nous pourrions nous investir également dans l’une et l’autre, en fonction des circonstances.  Que nous pouvons nourrir aussi bien l’une que l’autre, et trouver les contreparties dans chacune, en y développant la joie, en y jardinant l’amour, la compassion et l’inclusivité.

 

L’un des fruits de la sangha étant de guérir et d’estomper le sentiment d’isolement et de séparation que génère en chacun la société individualiste dont nous sommes tous responsables, serait-il « juste » et « sage » d’ériger un nouveau clivage, celui qui consisterait à considérer la sangha présentielle ou la sangha virtuelle comme supérieure, inférieure ou égale à l’autre, quand toutes les deux ne sont rien d’autre que deux facettes d’une même pratique ?

  

Pierre, Esprit lumineux du cœur

Juillet 2020

 

Publicité
Publicité
21 décembre 2020

Motivation et Dédicace

Thème de la séance de la Sangha des Pommiers du 27 novembre 2020

 

Graines de LOTUS en vrac

 

 Aujourd’hui, nous allons commencer notre séance en réfléchissant quelques instants sur notre motivation et en nous exprimant à ce sujet. 

 

On pourrait commencer par se demander : pourquoi nous sommes-nous connectés ce soir ? pourquoi avons-nous rejoint la séance du Village des Pommiers …

 

On dit, dans le Bouddhisme, que la motivation, plus encore que l’intention est ce qui détermine le karma, c’est-à-dire le fruit de nos pensées, de nos paroles et de nos actions.

 

Ce dont on ne se rend pas toujours compte, c’est que le fruit de chacune de nos pensées, paroles ou actions affecte tous les êtres, de tous l’univers et de tous les temps (du passé, du présent et du futur), et ce, pour l’éternité : c’est indélébile.

 

C’est donc très important de prendre conscience, et même pleine conscience, ce soir, de notre état d’esprit, de le rectifier au besoin, et de faire en sorte que le fruit soit bon.

 

Rappelons-nous que, dans les 5 remémorations, on conclut : « A ma mort, je n’emporterai que le fruit des actions de mon corps, de mes paroles et de mes pensées. C'est la seule chose que je peux emmener avec moi. »

 

Il est donc essentiel de bien orienter notre soirée de pratique.

 

Les moines des Pruniers, lors de toute cérémonie, font plusieurs prières de motivation.  Vous les retrouvez, pour chaque circonstance de pratique, dans le manuel des Pruniers « Les Cérémonies du cœur » .

 

Ce qui compte avant tout, c’est d’avoir à l’esprit ce que Thay appelle les 4   états illimités, qu’on appelle aussi les 4 incommensurables : l’amour, la compassion, la joie et la non-discrimination.  Non-discrimination qu’on appelle aussi équanimité ou inclusivité

 

Ces 4 pensées sont les 4 éléments de l’amour véritable.

 

Illimité ou incommensurable signifie qu’il n’y a pas de limite, qu’on ne peut pas mesurer.  Ces 4 éléments ne nous sont donc pas seulement destinés ; nous pouvons, par notre pratique, en faire bénéficier tous les êtres.  C’est vraiment cela l’inter-être.

 

Notre pratique devrait donc générer l’amour, la compassion, la joie véritable et l’équanimité non seulement pour nous, mais pour tous les êtres et ce, de manière inconditionnelle.

 

Thay ne dit-il pas : « Quand vous méditez, ce n'est pas seulement pour vous-même, vous le faites pour la société tout entière. » (cf Prendre soin de l’enfant intérieur)

 

Une pratique de motivation très répandue chez les Bouddhistes consiste à prononcer les 4 phrases suivantes :

 

1ère phrase :

Par le pouvoir et la vérité de cette pratique,

Puissent tous les êtres jouir du bonheur et des causes du bonheur ;

c’est l’amour véritable ; souhaiter, de manière non égoïste, le bonheur de tous les êtres, pas seulement le sien. Et sans condition.

 

La 2ème phrase est :

Puissent-ils être libres de la souffrance et des causes de la souffrance :

c’est la compassion.

 

Vous voyez qu’on est intéressé non seulement à se libérer de la souffrance, mais aussi à se libérer des causes de cette souffrance ; c’est la deuxième noble vérité : après avoir reconnu la souffrance, il faut en trouver l’origine, pour corriger son comportement erroné et éviter, les mêmes actions conduisant aux même résultats, que la souffrance ne se reproduise.

 

La 3ème phrase dit :

Puissent -ils ne jamais être séparés du grand bonheur dénué de souffrance

On souhaite ici la joie à tous les êtres

 

4ème et dernière phrase :

Puissent-ils demeurer dans la grande équanimité, qui est libre de tout attachement et de toute aversion.

C’est l’équanimité, la non-discrimination 

 

C’est donc cette prière de motivation que nous réciterons pour commencer notre séance de pratique de ce soir.

 

On pourrait faire tout autre chose, bien sûr que de réciter de telles paroles.

 

Comme on l’a dit, les moines des Pruniers ont une « kyrielle » de prières de motivation, pour chaque circonstance.

 

C’est évidemment l’idéal : se motiver pour l’objet spécifique de sa pratique.

 

Comme l’objet de nos rencontres varie, la prière générale qu’on a présentée il y a quelques instants conviendra chaque fois, et elle comprend tout l’essentiel.

 

Si vous le souhaitez cependant, vous pourriez développer une motivation en lien avec l’invite de la cloche, par exemple :

 

« Corps et esprit en parfaite harmonie,

Je vous envoie mon cœur par le son de cette cloche.

Que tous les êtres vivants qui m’entendent

Sortent du monde de l’oubli, de l’anxiété et de la souffrance.

Qu’ils se libèrent enfin et touchent la paix présente dans leur cœur. »

 

Si notre motivation est bonne, le fruit sera bon.

 

DEDICACE

 

Nous arrivons à la fin de cette séance 

 

Quand nous avons au départ développé une bonne motivation, que nous avons vécu ensuite une bonne séance, et que nous dédicaçons à la fin, en offrant le fruit de notre pratique à tous les êtres, nous avons été

 

BON AU DEBUT

BON AU MILIEU et

BON A LA FIN

 

Ce sont là trois facteurs essentiels.

 

Pour terminer, on veut sceller toutes les paroles, pensées, actions afin de ne pas en perdre le fruit. Différentes prières sont possibles, selon les contextes ; celle qu’on retiendra aujourd’hui, vient des « Cérémonies du cœur » ; c’est une formule « passe-partout ». C’est le vœu que tous les êtres puissent être touchés par le Dharma et l’Éveil et sortir du samsara.

 

C

« Nous réunir en sangha et pratiquer ensemble

Fait naître des bénéfices sans limites

Nous les offrons à tous les êtres

De tous les lieux.

C

Puissions-nous mettre en pratique tous les enseignements.

Que tous nos actes expriment notre plus profonde gratitude.

Puissions-nous mettre fin à toute souffrance

Et réaliser l’Éveil parfait »

 

CCC

 

Pierre, Esprit lumineux du cœur.

 

Publicité
Publicité
Publicité
Archives
Publicité